Positions

Par Philippe Bruneau

Issue des analyses critiques du raisonnement archéologique par Philippe Bruneau, dans ses exemplaires travaux d’archéologie grecque (voir ici sa bibliographie) et de l’expérience comparable de Pierre-Yves Balut dans ses études d’histoire de l’art, l’extension de l’archéologie aux époques moderne et contemporaine apparut très vite comme une évidence, dès la première moitié des années 1970, puisque l’archéologie, traditionnellement, s’intéressait à tout matériel, même non valorisé, en sorte de le documenter au delà d’une datation ou d’une attribution, pour constituer toute histoire et non restrictivement celle de l’art ou même de la technique.

L’objectif était, au départ, d’étudier les homologues récents de ce que prend en compte l’archéologie classique : non seulement, avec l’archéologie industrielle, les restes matériels de la révolution industrielle du XIXe siècle, mais plus largement les ex-voto marins peints en équivalence des reliefs votifs offerts à Isis, les églises et les cimetières modernes en regard des sanctuaires païens et des nécropoles antiques, etc.

Mais, compte tenu du faible taux d’enfouissement des vestiges d’époque moderne et plus encore contemporaine, et sauf à se proposer des objectifs ridiculement restreints, il est très vite apparu que l’«archéologisation» des vestiges récents obligeait à une redéfinition complète de l’archéologie : non plus suivant les conditions fortuites de l’observation, au premier chef un enfouissement nécessitant la fouille, mais selon la spécificité de son objet d’étude qui, dans la tradition permanente de la discipline, ne peut être que le produit fabriqué, l’«ouvrage», et, partant, l’univers technique d’une communauté, son équipement fabriqué, qu’il s’agisse du grand art valorisé ou du matériel le plus banalement quotidien.

C’est d’ailleurs là une nécessité épistémologique malheureusement mal perçue dans le monde des archéologues : aucune science n’est jamais définie par ses observatoires mais par la nature de l’objet observé (la radiologie est un moyen de l’investigation médicale, non une science autonome).

Cette révision de l’archéologie est déduite de la Théorie de la médiation fondée par le professeur Jean Gagnepain («École de Rennes») et enseignée aujourd’hui à Paris, à Nantes, à Louvain-la-Neuve, à Lisbonne, à Athènes, à Providence.

L’archéologie trouve par là un bel avenir : alors que maintes spécialités universitaires traitent de l’homme en tant qu’il est capable de langage et donc de pensée ou capable de société et donc d’histoire, il n’en est pratiquement aucune qui le prenne en charge comme ouvrier, comme capable d’une conduite outillée; traditionnellement occupée d’«artefacts», l’archéologie est la mieux préparée à cette indispensable prise en charge. Il va de soi, dans cette optique, que l’histoire de l’art est une des branches professionnelles de l’archéologie ainsi entendue et étendue.

Deux conséquences s’ensuivent :

1°  défini comme un objet d’étude et non comme un ensemble de vestiges conservés, l’équipement technique n’est pas seulement accessible par l’examen direct, mais par les témoignages textuels ou imagiers qu’il importe donc d’explorer au même titre que les vestiges encore visibles;

2° l’archéologie n’ayant à connaître que des cas singuliers, il lui est salutaire de s’appuyer sur une science fondamentale des processus généraux qui s’y trouvent engagés, de même que la médecine traite le cas par référence à une pathologie générale ou la philologie par référence à une linguistique.

Cette «artistique» induit une «archéologie générale» qui en théorise le maniement.

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